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IronAnne

Jetée dehors, un soir

 Ce texte est écrit par une personne présentant entre autre une dyslexique et dysorthographiques. La forte charge émotionnelle de cette écriture aggrave l’expression des troubles dys* de ce fait orthographe, grammaire et syntaxe sont affectées par l’exercice testimonial ici partagé.

Il est volontaire de ne pas faire corriger les textes. Les troubles dys sont des handicaps. Et oui, parfois … c’est difficiles à lire. Mais cela n’invalide pas le propos. Merci de (re)lire la notice dys*.

Nous sommes à Fontaine-lès-Dijon à cette époque. Je suis au collège à Chenôve et je vis de l’autre côté de la ville de Dijon. Je prends quotidiennement 2 bus. Je suis dans ce collège parce que le principal est dans le même partie politique que mon père. Je ne sais plus si je suis dans ma 1er année de 3ème ou quand j’ai dû refaire cette classe. Parfois le temps ne fait plus sens, c’est dans un vague parce que le cerveau fait ce qu’il peut avec tous les données qu’il a. On oublie des bouts. Ici, c’est dans quelle classe j’étais. Il reste juste le souvenir précis de cette soirée. Ma chambre était sans dessus-dessous. Je m’obstinais à ne pas la ranger à son goût. Je voulais que cela reste mon territoire sauvage. Dans le recule que j’ai sur moi-même aujourd’hui, je me demande si je ne cherchais pas à me rendre repoussante, écœurante en bénéfice secondaire.

C’était l’heure d’aller me coucher. Une marrée de vêtement sur le sol, un bureau vomissant d’affaires en tout genre en guise de décor. Cette chambre me donnait le sentiment de créer une ligne de défense dans ma survie, louve en mon territoire. Et puis ranger, c’était céder à mon père cette part de pulsion de vivre que j’avais. Il est venu m’embrasser, me border. Je n’en avais aucun besoin, je n’avais pas 3 ans.

Je dormais sur le lit de célibataire de ma mère avec contre le mur, à la verticale, mon ancien matelas et, au niveau de ma tête de lit, il y avait un matelas de bébé lui aussi à la vertical. Il pouvait me jeter dans le lit sans que ça ne me blesse de façon trop visible du point de vue des hématomes. Je n’avais plus que ma lampe de chevet allumée. Je lisais un livre pour l’école. Je ne sais plus lequel. Mais c’était dur à lire : Un Zola ? du Camus ?

Il est là, toujours en caleçon, torse nu dans cette chambre, ma chambre. Ce lieu que je voulais être un territoire inviolable si souvent dévalisé de son rôle de refuge. J’avais entrebâillé la porte, dans l’espoir d’un petit peu d’intimité. Cela ne lui a pas plu.

Il claque la porte contre le mur en entrant « Tu dors la porte ouverte. Je vais devoir le redire combien de fois ! ». Sa voix explose comme le claquement dans un fouet dans l’air.

Il voit le bordel.

Il devient rouge de fureur et moi je me recroqueville dans un réflexe. C’est un acquis. Je sais que je vais prendre dans la gueule et je veux juste m’auto-protéger un peu. Je sais déjà qu’il avait me frapper avec tout ce qu’il croit être viril en lui. J’essaie de me protéger, c’est plus fort que moi. Ça ne fait qu’alimenter cette humeur destructrice qui le prend. Il arrive près de moi, il prend mon bras. Il me jette au sol hors du lit.  Je suis en position fœtal. Il me roue de coups. Je sens ses pieds. Elle semble loin sa neuropathie, son sentiment d’avoir mal. Il doit être shooté à la testostérone, à l’adrénaline. J’essaie de ramper pour me cacher sous mon lit sauf, qu’il y a trop de bordel, du bouffe caché et qu’en vrai, je ne peux pas aller dessous. Je n’ai plus 4 ans. Il capte la bouffe que je fais sortir dans un mouvement mal contrôlé. C’était du chocolat et du saucisson.

Et là, il déchaine sa rage. Il y va de plus en plus fort. Je ne suis plus capable de me recroqueviller, de me mettre en cyphose. Non. Je suis presque dans une telle envie que cela cesse que mourir sous ses coups ne me semble plus si problématique. Il vocifère des tas de choses. Je bouge au rythme de ses uppercut plantaire. Je vrille dans ma tête. Je repense a « we will rock you » que je chante en moi au rythme de ses coups. Pourquoi ? Je suppose que je cherche à traverser l’enfer.

Il me traine par le bras gauche hors de ma chambre. Mon ventre se brûle au contact de cette moquette, rose saumon, moche sur le sol de ma chambre, puis sur le linoléum. Je vois du coin de l’œil ma mère dans le salon. Elle fume sa clope, s’enfichant de moi.

Il déborde de violence. Il me jette sur le sol du palier. Je suis en T-shirt et culotte dans le noir. Il me donne encore des coups de pied. Je me remets en boule au sol contre la porte du voisin en face de notre appartement. Puis, surement fatigué, mon père me laisse là au sol. Il referme la porte à clef. Dans le silence de morgue qui est là dans ce tout petit palier commun, j’entends très fort la clef. Je réalise qu’il m’a dit qu’il me mettait à la porte. Mais je doute. Je ne sais pas quoi faire. Allez chez nos amis voisins à l’étage en dessous ? Ils ont un bébé. Je ne peux pas les déranger.

Je suis toujours contre cette porte. Sonnée comme toujours. La porte s’ouvre derrière moi. Je perds mon équilibre. Je suis au sol la tête dans l’appartement de ce type. Je suis stone de douleur. Le voisin me regarde, moi sur son paillasson, vaguement chez lui, a moitié nue. Il ne dit rien, il ne me demande rien. Il referme la porte.

Je suis là dans le noir terriblement seul. Connard de voisin. Pourquoi tu n’appelles pas les flics ? Ben cela doit être dans ma tête que cette situation mérite les flics. Pourtant dans les films on sauve les enfants pour moi que cela. C’est un sentiment récurrent. Chaque fois que je tente d’avoir de l’aide, j’échoue. Je fini par croire que c’est normal de vivre ce quotidien. Depuis que j’ai quitté la France, je sais que ce n’est pas normal. Que les services sociaux, les écoles, les voisins, la famille, tous ont failli à leur devoir de protection de l’enfant que j’étais.

Je ne vois pas comment je vais pouvoir faire. Je n’ai pas de vêtement. Rien. Je suis terrorisée. J’ai mal. Et si je dormais dans le sas qui donne accès au compteur électrique ? Le temps me semble touché à l’éternité. Dans le noir, je suis déconnecté de toute notion du temps. Je n’ose pas allumer la lumière. La porte de chez moi s’ouvre.

Je suis éblouie, je couvre mes yeux avec ma main. Mon père me jette à la gueule mon pantalon du jour, mes doc Martens à fleur, et un pull. Et il me crache à la gueule, tel l’animal qu’il a fait de moi que je ne suis plus la bienvenue. Je suis à la rue. J’en prend acte. Il referme la porte. Je suis dans le noir. Je reste assise un moment. Je récupère à tâtons tout. Je vais vers le sas, puis sur les escaliers de la sortie de secours.  Je m’habille assise sur les escaliers. Je mets mon pantalon. Je mets mon pull. Je grelotte. Je mets mes chaussures sans chaussette. Je ne remets même pas ses propos en question. Je ne pense pas que je dois supplier, mais avec les années de recul, je crois que c’est ce qu’il attendait. Je suis habillé, assise dehors. Ces escaliers sont extérieurs. Il faut nuit. Je ne sais pas quoi faire. Alors je descends. Je mets mes mains dans mes poches. Dans mes poches, le graal : j’ai un ticket de bus.

Je me dis que je peux aller à Ahuy. Il y a un foyer. Même si c’est merdique un foyer, ça ne peut pas être pire que là. J’y vais. On m’accueille. Je sais où c’est parce que dans le bus, j’ai un pote qui va dans mon collège et qui vis là.

J’y crois. Je vais être sauvé. On appelle chez moi. Ma mère arrive. Et elle réécrit toute l’histoire. Je suis une sale gosse fugueuse. Pourtant j’ai des hématomes. Je suis déchiré par un état post-traumatique.

Il n’y aura zéro questionnement sur ce qui s’est passé par les éducatrices, éducateur, zéro conséquence, zéro A.S qui va prendre contact avec nous. Pourtant ce sera une des rares fois où je vais dire que mon père me fait subir des viols.

Je vais juste rentrer à plus de 21h30 chez moi. Je vais me faire engueuler d’avoir été là, car ils vont peut-être avoir des problèmes me dit ma mère. Je suis absente. Elle psalmodie ses reproches, m’insulte. Je regarde par le carreau de la voiture. Je m’en fou. J’ai plus envie de vivre. C’est trop.

Je rentre, tête baissée dans l’appartement. Elle m’envoie au lit. Il ne me parle pas, ne me regarde pas. Il m’ignore. J’ai quand même peur que s’il essaie de me tuer pendant la nuit qu’il le fasse dans une lente agonie. J’ai envie de quelques choses de rapide.

Il viendra en réalité me violer avec violence cette nuit-là. Mais sans me parler. Il me viole en me mettant à 4 pattes sur le lit. Je suis absente. Mon visage enfoncé dans le matelas s de mon ancien lit là, comme une chienne. Il est debout. Il frappe, me tire les cheveux. Il va et vient. J’ai la tête vide. J’ai juste eu peur qu’il m’encule mais il va dans mon vagin. Pendant plusieurs semaines, aucun mot, que des regards noirs et des viols. Je suis brisée comme rarement. Où suis-je dans l’humanité ?

Le foyer aurait dû m’aider. Ils ont cru ma mère. C’était plus simple, moins de paperasse. Ils auraient dû appeler la police. Le système est en échec chronique.

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