IronAnne - chapô
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IronAnne

Chemin

 Ce texte est écrit par une personne présentant entre autre une dyslexique et dysorthographiques. La forte charge émotionnelle de cette écriture aggrave l’expression des troubles dys* de ce fait orthographe, grammaire et syntaxe sont affectées par l’exercice testimonial ici partagé.

Il est volontaire de ne pas faire corriger les textes. Les troubles dys sont des handicaps. Et oui, parfois … c’est difficiles à lire. Mais cela n’invalide pas le propos. Merci de (re)lire la notice dys*.

Il serait réducteur d’aborder la question du chemin avec simplicité. Philosophons sur le fait que nous empruntons tous notre propre voie, blablabla. Je pourrais me dissimuler derrière ce sujet. Cependant, je vais vous parler d’un chemin que j’ai parcouru un après-midi.

C’était un mercredi, dans le Jardin Botanique de l’Arquebuse à Dijon. Une belle après-midi ensoleillée. Comme souvent, j’avais esquivé mon cours de natation et rédigé un faux mot d’excuse. Ce cours, dispensé dans le cadre d’une activité parascolaire de mon collège, n’avait pas une grande importance en termes de présence ou d’absence. Je n’avais jamais aspiré à devenir une experte en natation. Mon unique objectif était d’être occupée de manière légitime et irréfutable aux yeux de mon père pour éviter de prendre le train de 12h40. Le suivant étant en milieu d’après-midi, cela m’assurait quelques heures de répit, surtout pour ne pas rentrer. J’étais prête à tout, même à payer n’importe quel prix, pour éviter ce huis-clos avec mon père.

Mon programme du milieu de semaine était varié. Selon la météo et mes envies, je me rendais principalement au musée des Beaux-Arts, mais aussi au jardin botanique, ou encore dans l’un ou l’autre lieu culturel gratuit pour les mineurs. J’avais une petite vie culturelle secrète, et un petit trésor qui tapissait le fond de ma mémoire. Et franchement, quel plaisir de faire ses devoirs au milieu d’un musée, entourée de ces œuvres inspirantes.

Ce jour-là, mon choix s’était d’abord porté sur le musée des Sciences Naturelles, mais en voyant le soleil de mi-septembre réchauffer l’air, j’ai eu envie de profiter des allées du jardin botanique attenantes. Je me suis mise à explorer les différentes petits sentier, empruntant des chemins peu fréquentés pour observer et profiter d’une nature qui, déjà à l’époque, se faisait de plus en plus rare dans les villes

Le malaise s’est installé alors que je traversais un petit pont, regardant les canards, mais quelque chose devenait oppressant. Dans ma vision périphérique, j’ai repéré un homme d’environ 25 ans, aux cheveux blonds, courts et bouclés. Je me racontais une histoire à moi-même. Non, il ne me suivait pas, cela n’arrivait que dans les films. Pourtant, il était déjà là depuis ma sortie du bâtiment. Son sourire, sa façon de se mouvoir me mettaient dans un état d’insécurité profonde. L’hypervigilance a ce défaut et cette qualité de vous faire capter beaucoup de choses. Mais le cerveau, lui, tente de négocier avec les perceptions sensorielles. Je n’étais pas à l’aise avec cet homme qui ne faisait que marcher dans mes pas avec quelques mètres de décalage. Il venait solliciter mon sentiment de souillure. Je ne voulais pas le regarder. La pensée magique : ne pas voir est égal à ne pas exister. Je cherchais à l’éviter quand les sentiers étaient un peu trop courbés. Il a essayé de me parler, mais j’ignorais le jeune adulte qu’il était. Il y avait trop peu de monde dans ce coin, peut-être cela était-il dû à la densité de la végétation ? Aux arbres qui rendaient la zone plus sombre ?

J’ai alors choisi une autre stratégie, celle de me mettre en sécurité, du moins dans une illusion de sécurité. Pas un homme de plus dans ma vie pour me faire du mal. Je me suis donc dirigée vers une des zones où les enfants jouaient. Je cherchais à m’appuyer sur la sécurité que ces mères offraient à leurs enfants et dont je manquais tant. Dans un premier temps, j’ai fait le tour de la zone où il y avait des infrastructures de type toboggan. Tous les bancs étaient saturés. Lui, était toujours derrière moi. En voyant une des entrées du parc, je me suis demandée si la solution n’était pas de quitter les lieux. Mais je me suis ravisée. Je me suis dirigée vers la zone du bac à sable géant. Je me suis assise sur un banc encore disponible.

Ma tenue, je m’en souviens encore. Je portais un jean sombre, au ton bleu nuit intense, un peu large. Il ne montrait pas les formes de mon corps ; je voulais être invisible, imperceptible. Mon pull noir était trop grand, trop large. Mes cheveux étaient attachés en chignon. Rien pour attirer l’œil, ou pour sortir de la masse. J’avais intégré l’idée, le concept, issu du vomi verbal de mon père, que tout ce qui m’arrivait était dû à une posture provoquante, allumeuse, sexualisante que je dégageais. Surtout, ne pas exister, ne pas être remarquée. J’ai compris, bien des années plus tard, que ce qui avait attiré cet homme, c’était justement cela. . Ce n’était pas la peur du danger qui me faisait agir ainsi, mais bien un réflexe quasi acquis qui répondait à l’ensemble de mes expériences de vie. Plus j’étais fantomatique, plus je cultivais l’espoir que mon père me laisse tranquille. Mais pour cet homme, ce prédateur, il avait identifié une proie idéale : une adolescente qui ne crierait pas, une adolescente déjà privée de sa voix. Alors… là, assise sur ce banc au milieu des mères, aucune sécurité n’a émergé.

Il s’est assis sur le même banc.

Et dans ma tête, je me disais « fais chier ».

Il a commencé à me parler. Je répondais avec un sourire pincé, dans une économie de mots. Vous savez, ces conversations génées que nous pouvons avoir avec un inconnu dans les transports en commun par exemple. J’avais déjà tenté de ne pas lui répondre, mais cela n’avait fait que lui donner bien plus envie. Aucune de mes stratégies ne fonctionnait. J’étais déjà dans son filet. Ma voix était étouffée, tenue, discrète et pleine de malaise.

C’est là que j’ai vu sa jambe gauche battre un rythme rapide. Sa main était dans sa poche. Sa jambe gauche témoignait-elle d’une certaine nervosité ? J’ai compris quelques minutes plus tard que c’était une excitation sexuelle. Il a posé sa sacoche sur ses genoux et a légèrement reculé son buste. J’ai vu qu’il avait ouvert son pantalon. Il a commencé à se masturber d’une façon flagrante, là, assis à côté de moi, avec son porte-document qui se soulevait et redescendais dans un rythme qui s’accéléré progressivement. Il m’a dit me trouver jolie, et cela m’a amochi encore un peu plus. Son désir, son excitation ne faisaient que me donner l’impression d’être un monstre issu d’un freak show, qui attire le prédateur. Ses mots m’ont fait rencontrer une sorte de culpabilité, celle d’être un morceau de sucre qui attire une guêpe. Il regardait cette poitrine que je détestais déjà tant. Il regardait, et je me sentais sale.

Je me suis levée. Et il me fallait fuir ce parc. Je savais que j’avais une toute petite chance de lui échapper,… le temps qu’il remette son sexe dans son pantalon. Je marchais le plus vite possible. Et il a commencé à me héler dans le parc. Je l’ignorais ostensiblement. Il s’est rhabillé plus vite que je ne l’aurais pensé. Comment personne ne pouvait voir ma détresse ? Ma peur ? Je pensais naïvement qu’en quittant les lieux, je le laisserais derrière moi. Mais ce n’était pas le cas. J’étais proche de la sortie de cette zone de jeux et il était toujours là, accélérant le pas.

Et à cet insant, sortie de nulle part, une jeune femme me dit : « Ah, tu es là ! Je te cherchais, ma sœur adorée. Avec mes amies, on t’attendait pour manger. » Elle, elle avait compris. Ses amies aussi. Elles étaient assises dans l’herbe, non loin du banc, et avaient repéré l’agression. Je suis allée avec elle. Elles fut une véritable bouée de sauvetage. Elle m’a sauvée, c’était inédit dans mon histoire. Je sais encore aujourd’hui que ma stratégie de fuite était vouée à l’échec et qu’il m’aurait fait du mal dans une de ces petites rues attenantes au parc.

J’ai passé le reste de l’après-midi avec ces étudiantes de l’université. Elles m’ont expliqué avoir vu qu’il se masturbait et qu’elles avaient cherché comment faire pour me sortir de là. En me qualifiant de sœur, elles ont toutes espéré que je prenne la perche qu’elles m’ont tendue.

Elles m’ont encouragée à porter plainte.

Quoi ? On pouvait faire ça ? Vraiment ? Mais j’avais séché le cours de natation. Et j’avais bien plus peur de la rage meurtrière de mon père, de sa colère que de faire sanctionner cet homme. Donc, j’ai décliné la proposition, par crainte des représailles. Je n’ai jamais connu le nom de cette jeune femme, ni celui de ses amies qui ont pris soin de moi pendant toute cette après-midi-là. Mais, je sais encore aujourd’hui qu’elles m’ont sauvé la vie. Elles m’ont permis de ne pas être agressée, pour une fois. Elles ont aussi entretenu l’espoir, un bien des plus précieux dans mon monde. Elles m’ont raccompagnée pour prendre le train. Elles sont restées sur le quai jusqu’à ce que celui-ci quitte la gare. Une fois, une seule fois, j’ai connu la sécurité après agression.

Et ces petits chemins, je ne les ai plus arpentés. J’ai simplement arrêté d’aller dans ce parc que j’aimais tant, dans la crainte de recroiser mon agresseur. Car même s’il ne m’a pas touchée physiquement, directement, ce qu’il a fait était traumatisant et c’était une agression

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