IronAnne - chapô
Picture of IronAnne
IronAnne

« Tu n’a pas le physique pour être violéz » – « You have no power over me »

 Ce texte est écrit par une personne présentant entre autre une dyslexique et dysorthographiques. La forte charge émotionnelle de cette écriture aggrave l’expression des troubles dys* de ce fait orthographe, grammaire et syntaxe sont affectées par l’exercice testimonial ici partagé.

Il est volontaire de ne pas faire corriger les textes. Les troubles dys sont des handicaps. Et oui, parfois … c’est difficiles à lire. Mais cela n’invalide pas le propos. Merci de (re)lire la notice dys*.

Si l’on ne m’a pas dit plus de 100 fois par an cette phrase, c’est-à-dire 2 fois par semaine minimum, sur les réseaux sociaux depuis que j’ai commencé à témoigner sur ce blog, Facebook, TikTok ou Instagram… On ne me l’a jamais dit. TikTok reste la plateforme où ce type de commentaire est le plus décomplexé, avec le nombre de comptes où les gens camouflent leur identité. Le fond est bien évidemment mon obésité. Je peux dire qu’heureusement, ce type de commentaire ne me fait pas de mal, ne m’abîme en rien. Je me trouve belle, et je n’ai en rien besoin du regard d’inconnus pour avoir une validation sur cet aspect de moi-même. J’ai cheminé vers un regard positif, bienveillant, aimant de mon propre corps. Je vis avec et il est moi. Oui, je suis en surpoids, oui je suis en obésité morbide et non, je n’ai pas besoin d’un inconnu sur internet pour le savoir.

Je pourrais leur expliquer mille fois par jour, les laisser scruter mon quotidien à la loupe, mais aucun d’eux n’est en mesure d’accepter une réalité : je ne suis pas grosse car je passe ma journée à manger. Je sais précisément pourquoi ce surpoids. Il témoigne d’une croyance corporelle profonde, entendue à coups de paroles assénées par mon père, « Bibendum » (le bonhomme Michelin), chaque jour de chaque semaine. Mon corps a acquis la conviction, bien erronée au fil de nombreuses années de cette violence verbale corrélé au viols et aux coups, que l’obésité était peut-être l’issue pour échapper à ses viols et que le gras me protégerait des douleurs. J’ai souffert dès mes 10 ans de Troubles de la Conduite Alimentaire (TCA). Mais s’ils ont permis le dérèglement de mon métabolisme, ils ne sont plus dans mon quotidien. Je ne suis pas obèse depuis mes 3 ans, ou encore mes 10 ans… C’est vers mes 15 ans que mon corps a rompu sous ces mots des plus violents. Alors non, même si j’abuse d’une certaine boisson, je ne suis pas grosse parce que je mange trop. Et non, cette boisson n’est pas la cause et n’éclaire en rien mon surpoids. C’est quelque chose de plus profond, de plus archaïque. Mon métabolisme s’est accordé au diapason d’un « je n’en peux plus ». Car à 15 ans, j’ai compris l’anormalité de la situation sans en trouver la moindre issue. À presque 18 ans, quand mon père est mort, mon métabolisme, toujours en alignement avec la brutalité des traumatismes, s’est accordé au plus profond de chaque cellule avec la nécessité d’avoir une protection. Ma mère, après le décès de ce dernier, se montrant toujours incapable de veiller à ma sécurité. Car de son vivant, je connaissais les risques. J’avais une possibilité d’anticipé dans une mesure bien relative le danger. Mais dans sa mort, le risque est devenu omniprésent et installé dans tous les coins et recoins du monde. Car, encore aujourd’hui, je subis des mains aux fesses dans les transport, des froteurs en tout genre. Certes, je leur réponds mais c’est un quotidien bien courant pour une femme1.

Alors, je me fiche de votre avis en carton-pâte, de vos mots, qui à chaque nouvelle personne qui le dit, se sent investie de la toute-puissance et croyance des plus erronées : « être le premier à me le dire ». Je les considère comme tout à fait conscients de la gravité de leurs mots, des aspects les plus bas qu’ils prennent. Je suis aussi parfaitement consciente du plaisir quasi sadique qui est le leur. Mais en vérité, c’est un cadeau que je n’ai jamais accepté d’eux : le pouvoir de me blesser.

Pourquoi écrire dessus alors ? Cela me fatigue quand même à la longue. Donc, chers vous tous, vous n’êtes ni le premier, ni le dernier. Vous n’êtes en rien un génie de la blessure narcissique. Vous n’avez pas ce pouvoir sur moi. Il est gravé dans mon corps, mon mantra : « you have no power over me ». Parce qu’il y a bien longtemps que les agresseurs n’ont plus ce pouvoir. Car oui, vous êtes dans le vaste lot des agresseurs. Mais dans le triste et banal sac des agresseurs ordinaires à la petite semaine. Ceux qui ne savent que se cacher derrière leur petit écran, sans grand talent.

Je vous laisse avec ces mots d’une personne qui a eu le talent de le dire pour un nez.

« Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…
En variant le ton, – par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »
Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?
D’écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « Ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « L’animal seul, monsieur, qu’Aristophane
Appelle Hippocampéléphantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os ! »
Cavalier : « Quoi, l’ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c’est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun vent ne peut, nez magistral,
T’enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »
Dramatique : « C’est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu’on vous salue,
C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « Hé, ardé ! C’est-y un nez ? Nanain !
C’est queuqu’navet géant ou ben queuqu’melon nain ! »
Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l’harmonie ! Il en rougit, le traître ! »
– Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n’en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d’une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve. »

Edmond Rostand.

  1. femme, cisgenre pour moi ici, mais j’ai conscience des violences sexuelles et sexistes infligé à toutes personnes. Ma phrase ne tend pas à exclure mais elle parle de mon expérience. ↩︎

Articles similaires

Partagez ce billet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *