IronAnne - chapô
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IronAnne

Rêve

 Ce texte est écrit par une personne présentant entre autre une dyslexique et dysorthographiques. La forte charge émotionnelle de cette écriture aggrave l’expression des troubles dys* de ce fait orthographe, grammaire et syntaxe sont affectées par l’exercice testimonial ici partagé.

Il est volontaire de ne pas faire corriger les textes. Les troubles dys sont des handicaps. Et oui, parfois … c’est difficiles à lire. Mais cela n’invalide pas le propos. Merci de (re)lire la notice dys*.

Mon père vient de quitter ma chambre. L’air est lourd, étouffant ; chaque particule me semble soumise à une plus grande force de gravité que celle du monde extérieur. La pièce est saturée de son dioxyde de carbone. Il a pris les particules d’oxygène pour lui et ne m’en a laissé presque aucune. Mon corps est celui d’une poupée désarticulée, jetée sur un lit dans une maison à l’abandon. Ma maison, de toute façon, a été vidée de toute substance de vie, est prise dans sa morbidité à lui. Il ne m’a même pas remis ma couette en partant. Je voudrais accélérer le temps pour que la brise crépusculaire renouvelle chaque molécule présente dans cette pièce par une meilleure version de chacune d’elle. Ma jambe gauche ose le paradoxe d’être droite comme un i, et sur mon pied écrasé, le souvenir du poids mécanique qu’il vient de jouer en moi, il y a ma petite culotte. Elle est là, comme accrochée à un porte-manteau. L’articulation fémoro-iliaque est en rotation externe, mon genou légèrement en flexion. Une flexion aussi passive que le peu d’énergie qu’il me reste. Je suis ouverte comme un vieux reste de poulet dans une assiette oublié depuis bien trop longtemps. Mon t-shirt est remonté sur mon ventre, alors qu’il devrait préserver l’intimité sacrée de mon sexe. Dans mes cuisses bien trop écartées, je sens une brûlure intense dans tout mon périnée. Il me semble n’être qu’une vieille serpillière qui a trop servi. Il devrait être intact, mais ce n’est plus le cas. Le souvenir de son innocence n’existe presque plus dans ma mémoire. Mon sexe est déjà usé. Il a vieilli sous la râpe d’un homme bien trop grand, bien trop lourd. J’ai la vague sensation de son sperme qui coule vers le matelas. Ma respiration est essoufflée, au bout du souffle du triste sire de la mécanique d’un plaisir bien trop maîtrisé. La machine tourne bien… enfin pas si bien.

Comment ma mère ne voit jamais à côté de mon journal intime, qu’elle fracture si souvent la bouteille de lubrifiant qu’il cache sous mon lit, dans ce petit trou de souri. Il s’en sert toujours au début, histoire de s’assurer d’une glisse plus parfaite qu’un skieur. La respiration est si difficile dans cet air qui est en fait trop imbibé de son odeur, de sa sueur, de la mienne. J’ai la nausée dans ce bouquet olfactif. Je sens le frisson d’un vent qui passe depuis le couloir vers la fenêtre, qui vient me faire tressaillir. Mes épaules sont si enfoncées dans le matelas. Je n’ai plus de force. Je suis encore et toujours soumise à ses 120 kilos.  Ma tête est tournée vers la gauche, prise par son propre poids. Je ne dors pas. J’ai le regard dans le vague. Je flotte alors que mon corps est si pesant. Je vois la lumière orangée de l’éclairage public de la nationale. Je sais que des camions passent. Je voudrais être une marchandise en transit, pour partir loin de ce moment, plus loin. Mes rideaux sont pris dans cet orange tellement emblématique des années 70. Je veux arrêter de flotter, je veux que mes poumons arrêtent de respirer.

Je veux te rejoindre, pépé.

Le spectacle doit être bien laid depuis le paradis auquel tu croyais… ou peut-être que tu es condamné à l’enfer de me voir ainsi être l’objet de ce presque fils que tu as élevé.

Je n’aime pas ce début de poitrine qu’il a pétri, chopé, malaxé de son désir. J’avais envie qu’il les arrache, ne plus les avoir. Je sais que je dois arrêter de flotter, revenir, trouver la force de bouger mon corps, changer mes draps dans le silence. Je dois le faire, mais mon esprit est trop loin. Il voyage trop loin de l’instant. Ce corps n’est que trop de poids, trop de charge, trop de kilos portés, ses kilos à lui. Je veux être morte mais je ne veux pas mourir. Je veux être à l’étape d’après. Celle où il n’est plus là.

Je sais que mourir fait mal, j’ai encore trop mal de ta mort, pépé.

Elle n’est qu’une douleur qui me déchire. L’orangé de la pièce devient jaune, vert. Je suis sûre d’être près de toi au paradis, je suis sur la tondeuse tracteur avec toi, je ris. Je suis encore cette enfant ? Elle existe ? Elle n’existait que dans nos moments partagés. Elle s’est dissipé dans ta mort.

Le froid me prend ce petit moment de paradis, ce goût de l’enfance presque retrouvé, effleuré du doigts, perdu dans ta mort, perdu dans ton absence.

Le matin est presque là.

Il me faut donc espérer les rêves pour du bonheur ? Je me fais souri, je change les draps. Je m’essuie l’entrejambe, le sexe encore gluant. Ma mère fera comme toujours, elle fera comme si elle ne comprenait pas cet étrange rituel et me dira : « arrête de te pisser dessus la nuit ».

Oui, je me pisse tellement dessus que le matelas est sec. Tu te berces de tes illusions maman.

Je veux dormir pour toujours. Je veux rêver pour toujours. Je finis par espérer un coma, dormir encore et encore. C’est la seule piste, rêver, avoir le droit à une enfance. C’est une sortie de secours.

Tout ne tient qu’à un rêve.

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