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IronAnne

26 juillet 1999 ou le chant du silence – Partie 2

 Ce texte est écrit par une personne présentant entre autre une dyslexique et dysorthographiques. La forte charge émotionnelle de cette écriture aggrave l’expression des troubles dys* de ce fait orthographe, grammaire et syntaxe sont affectées par l’exercice testimonial ici partagé.

Il est volontaire de ne pas faire corriger les textes. Les troubles dys sont des handicaps. Et oui, parfois … c’est difficiles à lire. Mais cela n’invalide pas le propos. Merci de (re)lire la notice dys*.

<< Fait suite à 26 juillet 1999 ou le chant du silence – Partie 1

Après une nuit d’ivresse alimentaire car il n’est pas jour à se mentir, les crises de boulimie touche à un certain éthylisme sans liqueur ; je me suis effondrée dans un sommeil de plomb laissant à l’écran scintiller les coordonnées téléphonique de l’ado. Le corps lourd, peu reposé, usé par la nuit qui ne m’a pas laisser échapper au réel, c’est en pleine après-midi de la journée où la Sainte-Anne est à l’honneur, inspiratrice de ce prénom qui me colle au corps, que mes yeux se sont ouverts hagard fixant l’écran.

Qu’étais-ce cette nuit ? Juste un moment de pause des plus négligeable dans ma possibilité à rebondir ? Ce n’est ni le matin, ni la nuit, mais l’après-midi, 15h sur mon réveil. Mais il fait noir dans ma cellule. Je vis volet fermé pour me protéger du trop chaud. Mais en vérité, je cherche surtout à me protéger du dehors où les gens continue leur vie ignorant même mon existence. Qui sait que j’existe encore ? Le téléphone ne fait pas concurrence au son obsédant de la petite roue de la cage de mon hamster.  Je suis prisonnière d’un intérieur qui tourne en rond. Et me voici réveillé cramponné à un écran qui me rappel ce que je ne veux pas ressentir du passé. Le temps s’est égaré. J’ai passé des heures détemporalisé, absente du moment à me tourner, me retourner dans mon lit, percher dans mon nid mezzanine, écoutant de la musique en boucle pour fuir l’instant présent. Méthode efficace. J’ai fini par sortir de mon perchoir en fin d’après-midi. J’ai un peu erré dans l’appartement. Je me suis assise, lever, assise, lever à nouveau. Encore et encore, je répétais cette chorégraphie de l’hésitation face à l’écran. Que faire ? Appeler ? Oui ? Non ?

J’ai écrit fébrile son numéro sur un papier. Je me suis dirigé vers le téléphone familiale, choisi délibérément pour son appartenance à la célèbre liste rouge. Cette action c’est inscrit dans un temps infiniment long, chaque pas, chaque geste me coutant plus psychiquement que physiquement. Je me sentais englué dans une viscosité interne, lutant pour chaque contraction musculaire. Une fois le téléphone en main, je suis allée avec ce dernier dans mon lit. Je ne me rendais pas compte combien il pouvait être coutant de monter les quelques barre de mon échelle. Je cherchais l’espace où je me sentais le plus en sécurité en ces lieux. Je me suis assise dans mon lit, emmitouflé inutilement dans ma couette, buvant un reste de coca. Le temps m’avait encore échappé. Nous étions en début de soirée. Mon corps m’infligeait des sensations complexe : un cœur qui tambourine, la sensation de tomber dans le vide, la perte de toute possibilité de bouger ses jambes, un haut le cœur, une ceinture lombaire brulante de douleur. Et je suis là, habité par un corps qui s’impose, composant avec hésitation chaque chiffre de son numéro de téléphone. Il habitait le village de mon enfance. J’espérais autant une réponse que son absence.

Il a décroché rapidement.

Mon stress est passé à un niveau dont j’ignorais tout et que je n’avais jamais éprouvé. Il y avait une note de terreur qui grandissait en moi, quelque chose d’ancien, de sourd, archaïque, primitif, débordant. Pourtant j’avais bien failli mourir, j’avais subi tellement de violences et je découvrais en cet instant qu’il y avait donc encore des degrés d’éprouvé qui allait au-delà ?  J’ai pris le temps de me situer, lui expliquer qui j’était et lui demandé s’il se souvenait de moi. « Je suis Anne, la fille des voisins que ta maman gardait ». Mais sa voix a raisonné en moi tel un démon du passé, tel un vieux tocsin qui réaligne tout. Il avait un vivace souvenir de ma personne et confirmé avec une clarté vocale cela.  C’est ainsi que je suis passé du doute induit par ma mère durant ma préadolescence, d’un sentiment de pure folie, d’un irréel à une monté de souvenir, un goût métallique, un afflux de sensations plus pénible les unes que les autres. Le son de sa voix m’a amené à revivre en moins d’une fraction de seconde plusieurs viols, plusieurs scènes. Je m’accroche à une forme de scénario dans mon discours. Je lui demande s’il a du temps disponible pour une conversation, si mon appel ne le dérange pas. Il confirme sa disponibilité avec enthousiasme. Je reconnais ce ton pris de plaisir, de stupre, d’une concupiscence enjouée au note licencieuse. Chaque son qu’il émet me renvoie au son rauque de son plaisir, au phrases prononcé durant les agressions. Je vis en un même moment l’instant présent et les instants passés. Je ne sais pas évaluer la suite adapté à la conversation, la progressivité pour l’amené à la confidence, à l’échange. Je suis débordé par moi-même. Je veux qu’il me raconte sa part de l’histoire. Je veux son éclairage, ses prétextes, comprendre son vice, qu’il étale ce qu’il m’a fait, qu’il assume. Je ne cherche en rien à le piéger. Je veux juste savoir sa vision, sa lecture, son déploiement dans le récit du passé. Je lui accorde à cet époque qu’il n’était qu’un ado à qui on n’a pas appris les justes limites, qui n’a pas projeter la gravité de ses gestes, la profondeur destructive de ses pénétrations, de ses intrusions. Pourtant moi, j’avais 3 ans, 4 ans, 5 ans, lui était plus âgées, au collège ou au lycée. En vivant tout cela en moi, je subis encore un désaccordage temporel.  La conversation n’en est qu’a quelques seconde en réalité, qu’a quelques phrases. Je suis frontale, direct, sans mesure, sans nuance. J’en suis incapable.  Je lui dis que je veux parler du poulailler, que je me souviens. Et il passe d’un ton disponible à un malaise. Et le voici insécurisé, déstabilisé, peureux, évitant, éludant. Et là, dans son ton qui change, il est pris d’une urgence, d’un ailleurs qui l’appelle. Il met fin brutalement à la conversation. Je regrette cette façon dont je m’y suis prise. Je voulais et je veux encore aujourd’hui comprendre sa part de l’histoire.

En évoquant le poulailler, je l’ai ramené trop directement à une agression conjointe avec son meilleur ami. Cette agression qui a eu lieu par une journée ensoleillé, mais pas si chaude, au fond du jardin dans ce qui était devenu depuis longtemps un espace de stockage. Je me rappelle avec clarté des 6 chaises de jardin transformé en lit de fortune pour le premier viol. J’aurais du commencé par son concours de « qui a la plus belle bite en érection ». J’aurais du parler avec mensonge de l’affection qu’il croyait que je lui portais. Mais ce jour-là, je n’ai pas pu et pas su gérer. Est-ce que cela aurait pu se dérouler différemment. J’en doute.

À la fin de la conversation, j’ai été prise d’une crise de panique, d’une suffocation profonde et d’une douleur incommensurable. J’ai hurlé, pleuré, repris un rituel sécurisant : manger. Il me fallait me remplir, combler l’éventration. Il ne me reste aucune trace des jours qui on suivit. J’ai un blackout de plusieurs jours. L’après ne m’est toujours pas accessible, trop souffrant, trop débordant. Il a fallu attendre l’anniversaire de ma mère en aout, son retour à la maison pour retrouver quelque chose du réel, ré-avoir des traces dans ma mémoire. Je me demande combien de relation sexuelle de mise en danger j’ai eu durant ces jours ? qu’ai-je fait ? Comment je me suis fait violence pour survivre ?

Je reste aujourd’hui encore pleine de questionnement, curieuse, dans un besoin de savoir, de comprendre, de rencontré ce qui chez lui est cassé, abimé, brisé pour en arriver à violer une enfant. Je ne cherche pas à l’excuser. Je veux comprendre pour donner sens à ma propre histoire. Je veux inscrire en moi une narrativité qui m’échappe. Depuis 1999, je l’ai contacté 1 ou 2 fois par courriel, sans réponse. Je surveillais chaque été sa présence sur les réseaux sociaux et il y a quelques années, il a fini par débarquer sur Facebook. Là encore, j’ai tenté à deux reprise une conversation. Mais je suis restée avec l’écho du silence bien que persuadé qu’il ait lu chaque mot. Il vit aujourd’hui là où reposé mon grand-père adoré. Ce savoir est douloureux. Et en moi, il y a l’enfant qui hurle « Pourquoi ! Explique-moi ! ». Je me demande souvent si je suis une partie de son enfance faite de culpabilité, de honte ou au contraire quelque chose qu’il chérie avec lubricité. Ces interrogations ne sont qu’une quête dont je n’aurais jamais de réponse mais dont il y a une importance pour moi. Une quête du réel de chacun, de la subjectivité, des perceptions différentes d’un même moment. Je peux vivre la salissure d’être un support à sa sexualité car je ne l’ai jamais été en réalité. C’était l’image de l’enfant que j’étais, de la victime façonné par mon père. Et ce n’est pas moi. C’est une quête abyssale et sans fin du côté de la victime : comprendre l’agresseur pour mieux comprendre son histoire. Vivre l’ignorance des causes de ses abjections m’est difficile. Car cela nourris encore la crainte d’une folie. Pourtant, il y a toujours la trace de son souffle râpeux dans le creux de mon cou, son essoufflement de l’effort. Il y a le souvenir de ce que son exsudations, de cette odeur animal dont je pourrais presque ressentir l’effluve mais dont la simple évocation me fait avoir une nausée débordante qui me raconte le palpable de ces moments. Je sais que c’est réel mais j’ai tellement envie qu’il inscrive sa perception pour nourrir mon histoire et peut-être me pardonné d’avoir été une enfant vulnérable qui n’a fait que survivre à ce qui était dans le non-dit.

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