Le corps est une mécanique fantastique, surprenante. Le corps sait. Je ne vous le dis pas en l’air. Mon corps en sait plus que moi sur ma vie. Mon corps savait aussi l’inacceptable de rackets de l’intime subit.
J’ai enchainé dès ma plus tendre enfance des lèvres gercées avec des crevasses souffrantes ainsi que des boutons de fièvre purulent, le sang venant assaisonnée trop régulièrement cette bouche en décrépitude. Souvent, dans le cycle d’un refrain qui revient de saison en saison sans se soucier des facteurs météorologiques, mes lèvres explosaient, douloureuses. Je vivais avec du beurre de karité dans la poche. J’avais mal à cette bouche, à ce premier espace de la rencontre dans le début de notre existante de mammifère. Rien n’y faisait, aucun soin préventif n’empêchait brulure, assèchement, picotement.
Le cambriolage de ma bouche par son sexe trop grand, étouffant, crispant mes muscles était la cause que je ne pouvais retirer de l’équation. J’avais mal. Constamment. Cette cavité du goût, du plaisir était devenue porte de l’enfer. Elle n’en pouvait plus. Elle criait à coup de craquelure, de déchirure la sonnette d’alarme…Signale sourd aux yeux trop aveugles pour questionner la réalité.
Le corps sait, le corps cri, le corps dit bien au-delà de ce qu’on veut livrer de soi. Il n’y a pas pire que l’ignorance de ses paroles.
Mon père est mort ce fameux mercredi. Je n’ai plus jamais eu de lèvres dans cet état de champs de bataille perdu d’avance.
J’ai parfois les lèvres sèche, un peu d’huile de coco et basta. Rien d’autre n’arrive. Ma bouche ne risque plus cette exploitation du brise-glace de viscérale intime de ma cavité buccale.