chapô - IronAnne
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IronAnne

Le vent à presque caressé ma peau

 Ce texte est écrit par une personne présentant entre autre une dyslexique et dysorthographiques. La forte charge émotionnelle de cette écriture aggrave l’expression des troubles dys* de ce fait orthographe, grammaire et syntaxe sont affectées par l’exercice testimonial ici partagé.

Il est volontaire de ne pas faire corriger les textes. Les troubles dys sont des handicaps. Et oui, parfois … c’est difficiles à lire. Mais cela n’invalide pas le propos. Merci de (re)lire la notice dys*.

Il y a des points d’ancrage aux souvenirs, une porte d’entré propre à chaque trace. Parfois c’est par une odeur, un son, une atmosphère, un jeu de lumière, un mot, le souvenir évanescent d’un contact qui semble si proche et lointain en même temps. C’est une musicalité à laquelle je suis constamment attentive. Il ne faut pas que l’écho de cette note qui prennent le dessus sur l’instant présent. C’est peut-être pour cela que j’écris. Pour ne pas déborder, je pas me noyer, ne pas noyer l’autre. C’est mon interdit, que cela envahisse. Même si parfois cela me dépasse, me surpasse, m’écrase. J’ai ma boite de pandore sous contrôle. Elle a ses lieux pour sortir.

Je me souviens de l’air chaud, étouffant. Je me souviens du manque d’oxygène, asphyxiant. À chaque inspiration, l’air me manque un peu plus. Il y a ce poids sur ma poitrine. Dans ce flux et reflux qui ne cesse pas, j’ai la présence de plus en plus insistante de ma cage thoracique qui s’enfonce en moi. Le râle d’une respiration difficile prend le dessus. Mes alvéoles pulmonaires ont de moins en moins de place.

« Vite de l’air, par pitié, de l’air ».

Mais la fenêtre est close. La règle, c’est la règle.

Il est prohibé dans ces lieux lumineux de montrer son envie, sa curiosité pour le monde du dehors. Le dehors n’est plus qu’un mythe, un territoire sauvage, inexploré, oublié. A-t-il même existé ? Je ne regarde plus trop par la fenêtre dans les pièces où l’on peut. Je ne peux plus imaginer la sensation du macadam trop chaud qui rentre en contact avec la semelle de mes baskets. Le grésillement si particulier des cailloux sous mes pieds sur le trottoir d’en bas me manque. Je ne veux plus imaginer mon corps trop légèrement habillé se déposant sur le banc de l’arrêt de bus, brulant presque cette peau laiteuse qui est mienne par la chaleur accumuler de ces heures en pleine lumière. J’aimerais avoir mal comme cela, juste pour sentir autre chose que mon bocal à poisson, la folie furieuse, sourde qui habite ces murs. Avoir mal, c’est être vivant. Je ne veux plus voir l’herbe jaunie. Je ne veux plus imaginer mon pied sortant discrètement de ma chaussure pour ressentir cette sensation de terre, d’herbe assoiffée désagréable sous la plante de mes pieds presque tranchante qui me manque tellement alors que je la déteste. Je ne veux plus de cette gourmandise sotte, d’enfance. Elle me brule autant que l’air qui manque dans cette chambre. Je ne veux plus penser au monde extérieur, il me manque trop. Son absence devient souffrance. Son absence prend toute la place en moi. De toute façon, je n’ai que ça faire. Penser a ce qui me manque. Attendre le mois de septembre, je n’ai que cela à faire. Je ne veux plus rêver d’un trajet vers le centre-ville dans un bus surchauffé.

J’ai perdu le sens des dimensions, des volumes. C’est quoi déjà la perspective ?

Parfois des gens doivent regarde cet immeuble rose pâle. Savent-ils le cachot qui s’y cache ? Est-ce qu’il se demande pourquoi une fenêtre reste fermé ? La remarquent-ils ? Elle est invisible, personne n’y fera attention.

Mon lit est collé au mur, sous la fenêtre. Alors, je reste couchée des heures durant. Je regarde ce ciel sans nuage. Je vois toujours le même film. Et puis, si une de ces maudites boule de coton vient en aiguiller les variations, je ne sais même plus y voir la trace d’un rêve d’enfant. Il est loin le temps où je me couchais dans l’herbe voyant des chiens, des chevaux, des œuvres abstraites que je peignais dans ma tête. C’est juste un tableau banal, qui me rappel que je manque d’air. Je suffoque. Ma peau est moite. Une larme perle. J’aimerais savoir encore rêver d’un chevalier blanc terrassant l’hydre, le Cerbere et le diable en personne pour me sauver, m’extraire de ce donjon. Héroïque, il viendrait juste me sortir de là, m’entouré d’un drap de lin et me promettre un monde si beau, si magique si différent.

Mais, j’ai perdu toute cette espérance. Tout ce que les contes m’avaient promis n’est qu’une escroquerie de la souris américaine. En vrai, la petite sirène ne se marie pas heureuse avec son prince charmant libéré du sort et la sorcière terrassée. La fin est triste, noir, douloureuse. Je sais qu’est ça le réel. La tristesse d’une éternité où le temps n’existe plus. Je me contenterais d’un policier qui dégomme la porte, qui le plaque au sol et me dis « c’est fini, ça va aller ».

Personne ne regarde ma prison, tout le monde s’en fou de cette chambre sans air. Ma peau est quasi tout entière offerte à l’air. C’est l’image qui me sert de bouée de sauvetage. Elle respire cette peau moite. Elle laisse sortir toutes les sensations de chaleur. Elle cherche la caresse de l’air. Une caresse douce.

Je refuse de ressentir les frictions, les brulures, les gouttes de sueurs percute mon corps. Je refuse de ressentir son souffle qui donne un espoir de fraicheur. Je reste là. Les épaules enfoncées dans mon coussin, croulant, s’effondrant sous le poids de son corps. J’ai toujours cette même impression que son poids rentre dans mes épaules. 100 kilos de haine. C’est l’effet de percussion. Je connais les principes de la force. Je n’ai pas échoué en cours parce que j’étais nul. J’espèrerais qu’on y regarde de plus près. Je refuse de ressentir ses pauses couchées sur moi, son souffle courts, épuisé…Je refuse de percevoir on odeur de chacal.

Je sens chaque surface libre de lui. Je pense presque au bus, j’ai l’envie de fuir, nu, dedans, de courir sur le sol brulant mes pieds. Je supplie presque l’herbe de me trancher la peau.  Mais personne ne regarde vers cette fenêtre.

Cela fait un mois qui je suis enfermée. Je suis puni. C’est ce qu’il aime dire. J’ai raté mon année. C’est son prétexte, cette fois-ci. Je dois apprendre.

Dans tout ce qui n’existe plus, j’attends nu couché sur un lit le moment où il sera en rut, le moment où il me jettera au sol avant que ma mère rentre pour me dire que je ne suis qu’une pute. Je vais sentir alors mon corps voler, chuter sur cette moquette qui brule, abrasive, moche. Tout est moche de toute façon. Le beau est loin. Le beau a disparu, il y a si longtemps. Je m’habillerais avant qu’elle ne rentre pour qu’elle face semblant de ne rien voir. Je pense à ça. A la partition qui se joue, a la musique à venir pour ne rien entendre de l’orgue de barbarie qui s’époumone sur moi. Et puis ils iront faire les courses. Je serais seule, enfermée. J’ai la clef. Je regarderais la porte d’entré dans l’obscurité, trop terrifié pour fuir. À chaque fois que j’ai essayée, ça n’a pas fonctionné. Je hais le voisin de palier, il l’a vu me rouer de coup. Il n’a rien fait. Je hais le voisin d’en dessous, il entend tout. Ce vieux con passe sont temps à regarder qui entre, qui sort de l’immeuble mais il ne bougerait pas le petit doigt pour moi.

Je pense à tout, sauf ce qui se passe. Il faut chaud, de l’air s’il vous plait. Je suis presque sous ma douche. Je m’accroche à cette idée. C’est l’instant d’après. Je n’y serais pas seule mais il y aura cette douce caresse de l’eau qui couche et qui me rappellera le vent.

Je veux rouler à vélo, espéré, m’enfuir.

Un oiseau dans le ciel, dieu, je t’en prie, change ce film. Il est nul. C’est toujours la même histoire un ciel bleu aveuglant, des bouts de cotons. Remet des dragons, des chevaliers, remet de la magie. Je te promets, j’arrêterais tous les péchés, je serais sache. S’il te plait dieu, sauve-moi. Une part de moi croit encore en toi.

Je veux fuir, j’en ai marre de ne plus trouver la clef des champs. Je veux sortir de là. Je veux qu’il meure, là toute de suite. Je veux que ça s’arrête. Je prie dans chaque souffle que cela cesse. Je veux de l’air.

Ça fait si mal la fin, ça brule à la commissure de mes lèvres. Mon vagin est plein, trop plein. Un liquide sous pression qui veut sortir. Il se couche, s’effondre sur moi et m’étouffe. Mais il ne sort pas. Il joue avec sa bite. Il murmure « tu aimes. » près de mon oreille. Son visage collé au miens, je ressens son sourire. J’aimerais que mon corps rompe sous le poids du sien, mais c’est résistant un os. Ça encaisse. Même sans place, l’air trouve toujours une vague place, si infinie soit-elle. J’aimerais savoir mourir, mais il n’aura pas ça de moi.

 Je pris un dieu qui m’a lâché. Je suis prête à croire au père noël si cela pouvait me sauver. Alors je rêve d’un policier qui enfonce la porte, qui me dit, à moi cette presque adulte, en boule, terrorisé sous la fenêtre que ça va aller. Un jour le soleil brillera à nouveau.

Puisque personne ne me le dit, je me le dis. « Un jour, ça va aller Anne. Un jour il va mourir. Un jour tu seras libre. Un jour, tu retrouveras comment sourire. Un jour. Tu y as cru plusieurs fois, mais n’arrête pas de croire, ne perd pas espoir. »

Quelque mois plus tard, il est mort. C’est la dernière fois qu’il m’a enfermé. Mais ce n’était pas la première.

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