chapô - IronAnne(9)
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IronAnne

« Le viol, c’est un meurtre sans cadavre »

 Ce texte est écrit par une personne présentant entre autre une dyslexique et dysorthographiques. La forte charge émotionnelle de cette écriture aggrave l’expression des troubles dys* de ce fait orthographe, grammaire et syntaxe sont affectées par l’exercice testimonial ici partagé.

Il est volontaire de ne pas faire corriger les textes. Les troubles dys sont des handicaps. Et oui, parfois … c’est difficiles à lire. Mais cela n’invalide pas le propos. Merci de (re)lire la notice dys*.

Les mots, je les aime. Ils sont pour moi un ticket vers l’ailleurs, une garantie de porte de secours, une fenêtre sur l’imaginaire, sur le champ de tous les possibles.  Ils m’offrent dans l’absence du verbe une partition du dire, du récit, de la mise en surface narrative de ce qui est sous le silence de l’indicible. Je sais qu’ils sont porteurs de ce que le corps social n’ose pas toujours regarder en face. Ils signifient aussi au monde dans l’incommunicable, inexistence ce qu’il faut cacher sous le tapis du bien-être collectif.  Ils comptent dans l’arithmétique du vivant autant que la mécanique respiratoire. Les mots sont ce qui nous plait à croire que nous sommes des êtes conscients et conscientisant.

Longtemps, j’ai adhéré à l’idée que le viol était un meurtre sans cadavre. Je n’ai pas questionné l’idée même de cette expression. Je n’ai pas rencontré le corps, espace du crime. J’ai adhéré sans réfléchir, sans éprouver une expression qui me rendait inexistante, absente du corps du délit.

Les mots, expressions, figures de style portent le sens parfois si peu rencontré. Prenons le regard, la vue, être vue. Le bébé voit, à sa naissance, juste ce qu’il faut pour découvrir le visage de sa mère pendant qu’elle le nourrit. Il y a dans la littérature une description tendre, poétique, magique de ce regard suspendu dans le réel de la dyade qui vient de naitre. Un dialogue des nuances du concret et hors du temps. Il y a mère qui toise, explorant les détails du visage de ce nouvel être. C’est le début de la reconnaissance. La mère cartographie les creux, les traits, les rondeurs tout ce qui marque et les contours de l’être unique devant elle, être qui est devenue la prunelle de ses yeux. Le regard continue à porter son sens dans notre vocabulaire. Nous pouvons nous sentir invisible. De la vue, de son absence née tout un champ lexical. « Je serais la prunelle de tes yeux. » ; « Je serais visible à tes yeux » ; « Eh, je te parle, regarde-moi ! » ; « Je me sens invisible ! » ; « Je veux exister, être vue. » ; « Je veux chanter dans The Voice pour être vue par les spectateurs et imaginé par les coach » ; « Je visualise mes objectifs. » … Toute ses phrases et bien d’autres dans leur liens avec la vue nous renvoie à des enjeux majeurs de l’existence, de la métaphysique, de la psyché du vital. L’existence au travers de l’un ou plus de nos sens. Car, c’est dans l’équation unique, propre à la singularité de l’individue fait de la vue, du toucher, de l’ouïe, du goût, de l’odorat, de ses célèbre 5 sens intégrés sans oublier la proprioception, nociception, thermoception, toniception, et de tous ses sens pas toujours rencontrés, dans un semble en réalité si bien ingéré dans le langage qui se fait ainsi révélateur de notre être sensoriel. Presque tout nous renvoie à cet être sensitif que nous sommes dans nos chroniques sémantiques.

Nous sommes des êtres fait de sens, de sensorialité, sensitif. J’y tiens. J’insiste. Je radote.

En droit, on dit donc « le corps du délit ». C’est l’objet qui prouve matériellement l’existence du crime, du délit. L’objet, terme qui prend mille et un sens mais qui en psychanalyse est aussi de l’ordre du vivant. C’est le corps :  objet du désir. Le cops-objet aussi. Le mots objet n’est pas que de celui qui se pose sur une table fait de l’inerte.  Et c’est la rencontre qui se fait entre ces mots porteurs de sens et ce que notre société dit du viol, de l’inceste.

L’objet qui prouve le crime : c’est mon corps, le mien. Celui qui palpe la vie et que je palpe de ses propres extrémités. C’est mon être psychocorporelle. Le tout dans la relance. Il porte dans ses sens, ses contractions musculaires, la modification de son cerveau toutes les traces du crime subit. Mon vagin qui se rétracte, contracté, terrifié, qui devient bois pour que rien ne rentre, c’est du matériel, du dur. Ma psyché qui se fond dans les profondeurs de mon être corporel, c’est toujours du corps. C’est le corps du délit : c’est mon corps. Je ne suis pas victime d’un crime sans cadavre. J’ai été à la rencontre de ce corps qu’ils m’ont fait nier, disparaître. J’ai réunifié ce qu’ils avaient mis à distance pour faire leur œuvre. Non, je n’ai pas subi un meurtre sans cadavre ! Je veux dégoupiller cette expression.  Le corps de leur délit, de leur acte est vivant. Il est là. Il a survécu. Il a traversé les brisures, éraflures, déchirures, éviscérations, ecchymoses, contusions, balafres, plaies, infections, tuméfactions, mutilations, sévices, fêlures, fractures, lésions, écorchures, douleurs et autres effractions. Il est bien fait de chair, d’os, de muscles, de nerf, de viscère, de fluide, de sécrétions, de pulsations. Il s’est fait invisible sous leurs actes parce qu’ils ont couvert leurs traces par la négation du réel. Il s’est forgé ensuite une carapace de gras. Il s’est endurci et devenue cuirasse. C’est un corps qui surpasse la présence, qui la dépasse. Un corps qui s’impose, qui a transcendé. Il est vivant.

J’ai été accablé de ces crimes. Ils ont essayé de me balayer de l’existence, broyer sous leur toute puissance, réduit au néant. Mais là, mes nerfs n’ont pas lâché l’influx, bien au contraire. Mon vaisseau ses endurcis.

Ne me retirez pas l’être charnel de mon histoire par vos expressions et vos mots. Arrêtez ses expressions qui tente de couvrir les traces de leurs crimes que vous ne voulez pas voir.  Arrêtez de chercher à me faire adhérer à la dépersonnalisation qu’ils ont voulu planter en moi. Nous sommes des êtres sensoriels. J’ai survécu. Point de dépouille, de charogne. De la vie, pulsatile, vibrante, ondulante, a cœur battant la chamade, dans le rythme d’une chorégraphie ardente, désirante, durable, je demeure vivante. Je suis la demeure, porteuse de sens, du sens de mon vivant.

Ces mots, cette vision m’appartiennent, ce n’est ni vérité, ni dogme, c’est juste ce que me disent mes tripes.

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