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IronAnne

Tondre la pelouse

 Ce texte est écrit par une personne présentant entre autre une dyslexique et dysorthographiques. La forte charge émotionnelle de cette écriture aggrave l’expression des troubles dys* de ce fait orthographe, grammaire et syntaxe sont affectées par l’exercice testimonial ici partagé.

Il est volontaire de ne pas faire corriger les textes. Les troubles dys sont des handicaps. Et oui, parfois … c’est difficiles à lire. Mais cela n’invalide pas le propos. Merci de (re)lire la notice dys*.

C’est une époque très lointaine, trop lointaine. Ma marraine n’avait pas encore fait construire sa maison sur le terrain qui est le sien à coté de celui de mes grands-parents. Il est temps de tondre l’herbe. Il y a une porte énorme, bleu, qui permettrais au tracteur-tondeuse de passer, sur le côté droit de la maison de mes grands-parents. Cela donne un accès direct dans leur cours. Il y a là un bric à braque d’outils, de machines. Mon grand-père ouvert la porte. C’est le signe ! La joie. En route.

Je pense que nous sommes au printemps, il ne fait pas assez beau pour être en été et trop beau pour la saison automnale. Il fait doux et une légère brise fraiche caresse ma peau. Je me souviens de la lumière, vive, chaude. Les couleurs pétillent de joie. Il y a dans l’air l’odeur de la vie qui grandit, des oiseaux qui chantent. C’est magique.

Inka, le chien de mes grands-parents, aboit.

Mon grand-père m’invite à venir avec lui sur le tracteur. J’escalade la machine qui me semble immense du haut de mes trois pommes. Je me suis assise sur ses jambes. Nous roulons jusqu’au bout du champs de ma marraine puis nous tournons. J’ai toujours l’impression d’être au bout du monde quand nous sommes là. Il n’y a pas de grillage ou de séparation entre les deux terrains. Mon corps vibre, rebondit sous les bosses et cabosses de ces parcelles. Ceci nous permet de remonter sur la moitié du champ de mon grand-père. Il y avait plein d’arbres. Les jeux d’ombres de ces majestueux arbres fruitiers nourrissaient mon imaginaire par les dessins qu’ils traçaient sur le sol. Quand je regarde cette maison en vue aérienne via google map, aujourd’hui, ces majestés sont majoritairement absents et j’en suis triste. Au revoir les prunes, les cerises, les pommes. Au revoir lieu de rêverie, interstice onirique au milieu de mon biotope terrifiant dans ses autres territoires.

Nous arrivons à la moitié du terrain de sa maison, l’autre moitié étant occupé par un jardin où ils cultivent ses légumes. Il y a ce grand Cerisier, les framboisiers, un terrasse sans pierre tracé par la seule nature.

Je me souviens mes petites mains qui tiennent le volant. Officiellement, c’est moi qui conduis! En réalité ses mains s’assurent de notre sécurité. Il m’embrasse sur la tête. Il me parle, me guide. Je suis le rythme du chef d’orchestre bienveillant qu’il est. Je suis au bout du monde, en sécurité. Je veux l’instant éternel, comme à chaque fois. Pourtant, c’est notre dernière fois. Je le comprendrais plus tard, avec tristesse.

J’ai ris, tellement ris. J’ai aimé, tellement aimé ces moments. Ils ont eu lieu jusqu’à ce que ma marraine construise sa maison dans les semaines qui ont suivit. Et ce bout d’enfance est parti. Il ne pouvait plus sortir cette tondeuse par là. Je ne sais pas comment il a continué, je n’étais plus conviée. C’est juste quelque chose qui n’existe plus après. Clap de fin bien triste. Il le savait lui. Il a préservé la magie. Il a laisser les rires cristallins remplir la plaine pour toujours.

C’est un peu comme tout, petit à petit, cela n’a plus exister. Il est mort quand j’étais trop jeune… Il m’a connu une dizaine d’année. Il m’a offert des capsules hors de la vie, pleine de joie et de magie. Il me manque autant qu’un humain puisse manquer. Son absence me déchire. Je le rêvais immortel. Il est constamment près de moi, chaque jour, je pense à lui. Sa lampe de mineur est là, dans mon salon. Je lui parle souvent dans mon cœur. Et si je dessine des arbres, c’est parce qu’il avait un arbre de vie et qu’il y tenait et qu’il a tordu un pommier pour que je m’y assoie.

Il n’a pas été un bon père avec ma marraine. Il n’a pas su la protéger. Je sais qu’il n’a pas agi pour me sauver de la réalité de ma vie. Mais jamais il ne sera pas sali dans ma tête. Pas parce qu’il était parfait, je suis lucide, mais parce qu’il m’a offert des bouts d’enfance. Et que sans ça, qui suis-je? Il m’a offert de la vie, humide-radicale* là où je n’avais qu’une sensation de progresser dans une existence sclérosée par la peine.

Il m’a dit deux fois qu’il m’aimait. Mais, il me la montré à chaque occasion sans un mot. Pourtant, j’aurais aimé l’entendre plus. Il m’a fait milles et un baisé. Il m’a serré dans ses bras. Il m’a consolé. Il m’a donné de la liberté. Il m’a appris à rire. Il a planté de l’espoir.

J’aime l’herbe grasse verdoyante qui est illuminé par un trait de soleil au printemps. Il y a dans cette image tous les rires d’une petite fille qui conduit une tondeuse. J’aime l’odeur de l’herbe fraiche, coupée et à la fois, elle me rempli de tristesse. La tristesse de son absence trop souffrante, toujours à vif.

Il me manque. Il aurait été génial avec mes enfants. Il m’aimait pour ce que j’étais et comme on doit aimer une enfant. Même, si j’avais la croyance qu’il m’aimait avec un peu de pitié, comme on en a pour un chien chétif, un enfant déficient. Comment pouvait-on m’aimer? Je m’y suis accroché a son amour, je m’y accroche à l’amour. C’est ma pulsion de vie. J’aime et c’est grâce à lui. Il fut ce qu’il fut pour d’autre mais pour moi, c’est l’ange gardien de ces morceaux volés fait du sucre de l’enfance tel que cela aurait dû être.

Écrire ce souvenir est dur. Parce que je vis avec la peur qu’il m’échappe. Il m’est précieux, aucun mot n’a l’intensité de l’émotion que je ressent quand je m’y enfuit. Quand je me ferme à tous, à tout. Je vais là, pour survivre. Aucun mot n’illustre la chaleur du soleil sur la peau de mon visage et la crasse du vent. Ni Zéphir, ni spectateur de ces moments hors du monde n’ont les mots. Je prie pour ne jamais perdre le souvenir du son de sa voix, la sensation de ses mains rugueuses, façonnée par ses travaux manuel, la sécurité de ses bras. Je prie pour ne jamais perdre cette sensation d’être une enfant aimé. Je prie pour ne jamais perdre la sensation d’être unique au monde dans les yeux d’un grand-père. Je prie pour ne jamais perdre ce qu’il me renvoyait: être une personne unique au monde, qui peu traverser ça. Je prie pour lui parler, parce qu’il avait la foi. C’est ma ligne téléphonique vers son au-delà.

*Humide-Radicale: terme du 14ième siècle; Fluide imaginaire qu’on a regardé comme le principe de la vie dans le corps humain

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