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IronAnne

La peur irrationnelle d’être enceinte

 Ce texte est écrit par une personne présentant entre autre une dyslexique et dysorthographiques. La forte charge émotionnelle de cette écriture aggrave l’expression des troubles dys* de ce fait orthographe, grammaire et syntaxe sont affectées par l’exercice testimonial ici partagé.

Il est volontaire de ne pas faire corriger les textes. Les troubles dys sont des handicaps. Et oui, parfois … c’est difficiles à lire. Mais cela n’invalide pas le propos. Merci de (re)lire la notice dys*.

Une des choses qui m’a terrifié au fils de ces années, c’est d’être enceinte. Et cette terreur était tout sauf rationnel, je vous l’explique plus en avant dans ce texte.

Il est important de différencier les faits : je sais le cycle de vie d’un spermatozoïde, d’un ovule, tout ça. Je maitrise. Jusqu’à la division cellulaire. Et comme tout le monde de ma génération j’ai regardé « il était une fois la vie » en boucle. Forte de tout ce savoir, des recherches, j’ai eu peur jusqu’à mes 16 ans d’être enceinte. Il y a quelque chose de tout à fait légitime. J’étais violé chaque semaine et sans contraception. Il était évident que cela avait toute la malchance statistique d’arriver. Et c’est arrivé. Vous pouvez donc objectiver que cette peur était légitime. Et c’est là qu’un « mais » pointe son nez.

J’avais une frayeur, une angoisse profonde, irrationnelle, envahissante. Un « Et, si… » qui faisait des allers-retours en moi. Ce « et, si… » illustrait en réalité cette peur que je vivais de mois en mois et mon rapport aux humains agresseurs. Je pense qu’il était plus facile de faire face à cette angoisse infantile qu’à la peur de ce qui pouvait se passer dans mon corps « pour de vrai ».

J’ai eu mes règles à 13 ans. J’ai réclamé la pilule rapidement. Refus catégorique. « Tu n’a pas de vie sexuel ». Non, en effet. Être violer ce n’est pas une vie sexuelle. Toutefois, sur le plan reproductif j’avais un risque certain. Et, j’ai quand même des besoins d’être sûr de ne pas être enceinte. Ma mère, cette conne n’a fait qu’accentuer mon insécurité.

Au début, j’avais peur de ne pas être réglé car victime d’une aberration de la nature… qu’un spermatozoïde de mon monstre de père résiste des années durant dans mon alcôve utérine et que tapis dans l’ombre un gosse s’installe. J’avais même cette peur des spermatozoïdes de l’ado que je ne voyais plus depuis des années. Les monstres ont tous des supers pouvoir. Cela peut vous sembler ridicule et d’une naïveté enfantine. Mais c’est un paradoxe. Je savais que c’était impossible mais j’étais rongé par un « et, si… » parce que pour moi, tout enfant qui sortirais des viols ne serait qu’un monstre à l’image de leur créateur. J’ai déjà la peur, moi-même d’être un monstre parce que j’étais engendré par un être dément. Alors, je voulais éviter de pondre une bête. Je voulais épargner le monde.

Le jour où j’ai compris que j’était enceinte, l’année de mes 16 ans.  J’ai pris cher. Ça faisait des mois que mon père me faisait prendre la pilule « officiellement » mais qu’en vrai, ce n’était pas le cas. A croire qu’il voulait jouer au plus fort. Il se croyait stérile. Mais c’est une autre histoire. C’est l’histoire d’une mère qui ne veut pas d’un autre enfant. C’est un autre billet, pas encore écrit. J’ai donc vécu de l’angoisse puérile à la réalité effroyable.

Oh il serait facile de me qualifier d’idiote sans cervelle mais vous l’avez saisi : je subissais un paradoxe cognitif. J’avais peur d’être la mère d’un monstre. Et j’ai mis mon père et l’ado hors de l’humanité pour survivre, je crois.

Cette peur est digne d’un enfant de 3 ans. Mais, elle illustre bien qu’à 3 ans, beaucoup de chose se sont brisé en moi et qu’une part de moi est « coincé » à cet âge avec tout l’irrationnel et l’incompréhension du monde qui persiste.

J’ai appris jeune, à la télé, sans en comprendre les nuances que l’enfant maltraité pouvait reproduire son vécu. Je n’y voyais que la violence de mon quotidien bien évidement. C’est vers 16 ans, avec cette grossesse que j’ai compris que les viols était ce qu’ils étaient. Mais je ne pouvais rencontrer cette compréhension. Elle était une ombre fugace dans mes pensées, séraphique, irréelle. Et « forcement », j’ai construit ma personne avec cette peur de devenir comme eux, de reproduire parce que les enfants maltraités, maltraitent. Imaginez ? non ! Moi je ne voulais pas faire des trucs comme ça sur mes enfants. Alors ? Je n’en voulais pas, point final.  Et puis je ne voulais pas leur montrer mon amour comme ça. Même si tout le monde le vivait, non merci, je passe mon tour. J’avais tout ça en mois dans cette peur fantasmagorique.

Notez là encore cette nuance effleurée dans le paragraphe précédente : à 16 ans, j’ai compris que c’était des viols mais j’avais la dissociation traumatique étant présente, je n’ai rencontré que bien plus tard ce savoir caché dans un bout de ma personne. Tout est rangé, partitionné pour survivre. C’est complexe un trouble dissociation de la personnalité, mais c’est réel. Avec le temps, j’ai pu faire corps avec certaine part de moi, mais pas toute. C’est en chemin.

Évidemment, je me servais de mon savoir sur la biologie pour taire l’angoisse. Je savais que ce n’était pas possible. Maintenant, c’est une toute petite part de l’enfant qui voit en sont père un monstre et non un humain qui a construit cette perception, cristalliser dans l’improbable ce qui s’est réalisé. Je crois que petite, je croyais fort en dieu. Alors, à 16 ans, quand j’ai compris ma grossesse… je me sentais infecter par l’antéchrist. Et je ne voulais pas de la responsabilité de la création d’une abomination. À 16 ans, mes aller-retours vers dieux existaient encore. Je priais pour parler à pépé Erwin et Mémé Marie, mes deux anges à moi.

J’ai beaucoup de respect pour les peurs irrationnelles. Elles reviennent parfois me visiter.

J’ai longtemps eu peur de ne pas avoir mes règles parce que j’avais un monstre en mois. Les menstruations arrivant à chaque retard, j’ai eu peur que la nature me trahisse et qu’une goule sorte de mon corps.

Il m’a fallu beaucoup d’amour pour renouer positivement avec mes cycles. Aujourd’hui, le retard n’est pas signe de grossesse mais juste un baromètre de ce qui se passe en moi, avec moi. Il y a des années de travail solitaire. Et, c’est ça qui a nourris mon envie de cercles de femmes*. Faire la paix au-delà de son histoire avec ses entrailles.

*C’est le
terme consacré, connu, mais ce n’est pas la femme cis-hétéro que je projette moi
dans un cercle mais une non mixité inclusive. C’est une chose importante à dire
pour moi. 

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